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Ô temps, suspends ton vol !

J’aurai pu aussi choisir comme titre : « Je cours comme une poule pas de tête ». Mais, avouons-le, c’est moins romantique que ce début de vers de Lamartine.

Or, en ce solstice d’été, qui est aussi jour anniversaire de mariage, de Gervais et moi, c’est un bon moment pour s’arrêter un peu. Réfléchir. Après tout, c’est le jour le plus long. Alors profitons de ces quelques secondes supplémentaires.

Mon esprit revisite ces 6 (et +) derniers mois et je me dis qu’il s’en est passé bien des choses.

Cela a commencé par les semis à la mi-novembre, mais, là, rien de plus (ou à peine plus) que les années précédentes. Il faut bien s’occuper car l’hiver est long : le temps suspend vraiment son vol… au pire moment de l’année. Heureusement 2 visites françaises nous ont permis de réchauffer ces journées glaciaires.

Les voyageurs repartis, les semis croissant, il a bien fallu que je me rende à l’évidence : j’aurai bien plus de plants que je ne peux en mettre dans de nouvelles plates-bandes. Puisque j’y tiens étalage depuis 2 ans, je savais que je peux en écouler plusieurs dizaines à la vente des Herbos à Longueuil. Mes nouveaux amis de la Société Horticole et d’Environnement de la Matawinie étaient aussi une bonne cible pour donner des surplus que je ne me résigne jamais à mettre au compost.

Me vint alors l’idée salvatrice (pour moi et les plants) de créer ce blogue et cette micro-boutique. La technologie m’a beaucoup aidé pour rapidement mettre en place le site. Mon chum m’a épaulé pour les trucs un peu trop complexes. Barnhaven m’a autorisé gracieusement à utiliser leurs photos. Et la machine s’est mise en marche.

Mes amies et les gars aussi m’ont bien aidé à me faire connaître. Vous vous reconnaîtrez, merci à chacune et chacun d’entre vous.

Finalement, mon plus « gros client » m’a connu suite à une publication de Barnhaven, en France, alors qu’il habite à 45 minutes de chez nous…

Mais, mon but premier était, et reste encore, de faire connaître ce merveilleux monde des primevères. Je pense avoir réussi de ce côté, car je n’ai eu que de bons commentaires.

Actuellement, c’est le commencement de floraison pour les primevères estivales…

 » Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

(Alphonse de Lamartine)

Enfin, les contemplations (excuse Victor), ce sera dès que j’aurai fini mes 2 nouvelles plates-bandes pour accueillir mes petits-bébés.

Il sera alors le moment de se reposer à Métis-sur-Mer, les fesses sur un transat à regarder les bateaux sur le Fleuve. Ô temps…

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Le Sexe des Primula

Les primula ont-ielles un sexe ?

Il en va du sexe des Primula ou des primevères comme de toutes les plantes, les jardiniers et les filles aussi se posent sans arrêt la question : « Dois-je dire un ou une hosta ? Un ou une Primula ? »

Ce qu’on peut déjà dire, c’est que si on regarde une fleur de primevère, elle possède les deux sexes : elle a une étamine (et même plusieurs) qui fournissent le pollen, donc des cellules reproductrices mâles. Elle a aussi un pistil qui permet d’accéder à l’ovaire contenant les ovules, cellules reproductrices femelles.

On peut donc dire que chaque fleur possède les deux organes reproducteurs mâle et femelle, les primevères sont hermaphrodites. On devrait donc arrêter là.

Sauf que, « vocabulairement » parlant, ce genre à deux sexes n’existe pas en français. Il a existé, il y a très longtemps, mais le masculin l’a emporté, simplifiant ainsi la langue.

Hors sujet : Récemment j’ai découvert l’écriture inclusive, assez lourde, ma foi. Et encore plus récemment ce ielle (ou ielles au pluriel) qui est neutre : ielle fait le ménage, ielles vont au cinéma. Bizarre me direz-vous, au singulier surtout. Mais la société évoluant très vite, ielle sera peut-être courant un jour ? 

Les noms communs ont le sexe apparent

Pour les noms usuels, il n’y a aucun hermaphrodisme, on va dire une primevère, un rosier, une rose, un églantier, une églantine… L’usage fait le larron et plus souvent la larronne (eh non, ça n’existe pas une larronne, tant pis). Les fleurs sont souvent féminines, mais la plante en dessous est souvent masculine. Mais tout dépend de la taille de la plante et de son usage plus ou moins répandu. Pour les petites vivaces, on ne distingue pas la fleur de la plante. Et, l’avez-vous remarqué, plus la plante ou sa fleur est belle, plus elle se féminisera : un chardon, un plantain, un pissenlit, un coquelicot, un crocus, un narcisse ; mais, une pâquerette, une marguerite, une ancolie, une tulipe, une jonquille, une jacinthe. Mais pourquoi il y a-t-il des exceptions ? Un lys, le muguet, fleurs tellement belles et emblématiques, synonymes de royauté ou de bonheur.

Comme je n’ai aucune explication, on va arrêter là. Et si vous avez des idées, n’hésitez pas à les partager.

La théorie du genre

Non, non, on ne partira pas dans une querelle à la française, quasiment théologique sur cette théorie fumeuse. Car, en botanique, comme dans toutes les sciences du vivant, il n’y a qu’une seule (et 1ère) règle, le genre scientifique est masculin, on va donc dire un Carex, un Cyclamen, un Meconopsis ou un Sedum. Mais il faudra dire aussi un Bergenia, un Heuchera, un Hosta et donc un Primula. Le a final n’y fait rien à l’affaire. Eh oui, c’est comme ça.

Vous me direz, mais, en France, beaucoup de gens disent « une Hosta ». En fait, ils disent plutôt « une hosta », car ils utilisent le nom commun « hosta » et non le nom de genre « Hosta ». En effet, tous les noms scientifiques de genre commencent par une majuscule (2ème règle). La troisième est qu’on devrait toujours écrire un Primula, un Hosta. Eh oui, il faut réapprendre, les pleins, les déliés et les italiques. Car tous les noms scientifiques s’écrivent en italique pour les distinguer des noms communs. Ou du moins, devaient l’être. Moi-même, je l’oublie tout le temps.

On écrit donc un Hosta laciniata et une hosta laciniée. Enfin, c’est ce qu’on devrait faire.

Le sexe vécu

Eh bien, dans la vraie vie, faites-donc comme vous en avez envie, car on voit souvent pour une même plante l’usage du féminin ou du masculin. Rappelons-nous-le, la plupart des plantes herbacées sont hermaphrodites. Et pour les plantes monoïques (porteuses d’un sexe à la fois), on ne dit jamais, par exemple, « Oh, le bel houblon » ou « Ah, la belle houblonne », le ginkgo et la ginkgo. Pourtant ce serait justifié, non ? Un brasseur n’a que faire de Monsieur Houblon qui ne parfumera jamais sa bière. Un banlieusard se plaindra aussi de Mme Ginkgo car elle empeste sa pelouse avec ses ovules destinés à attirer les pollinisateurs.

Alors, inutile de me corriger si j’utilise indifféremment primula au masculin ou au féminin. La langue française manque juste un peu de neutralité. Et elle est tellement descriptive qu’on ne peut s’empêcher de masculiniser ou féminiser selon l’humeur ou le temps.

On ne rigole plus !!

Il y a tout de même un aspect botanique tout à fait intéressant chez les Primula. C’est le caractère lié à la disposition des organes mâles (étamines/anthères/pollen) par rapport aux organes femelles (pistil/ovaires/ovules).

  • Homostylie

Lorsque le pollen se retrouve à la même hauteur que l’accès au sommet du pistil, on parle d’homostylie. La fleur devient auto-féconde, n’importe quelle butineuse ou le vent passant par là fécondera facilement la plante avec son propre pollen qui, de ce fait donnera des descendants proches. C’est le cas de la P. japonica. Il y a plusieurs variétés : rouge, rosée ou blanche. Mais les semis seront souvent fidèles car les plants s’auto-fécondent et ne se croisent pas.

Voici les autres espèces homostyles : P. simensis, P. cuneifolia subsp. saxifragifolia, P. grandis, P. dumicola, P. klaveriana, P. septemloba, P. homogama, P. hookeri, P. prenantha, P. annulata.

  • Hétérostylie

Lorsque les anthères ne sont pas à la même hauteur que le pistil, on parle d’hétérostylie (ou fleur hétérostyle). Mais, comme vous êtes brillant.e, vous me direz, qu’il faut faire deux distinctions.

  • Les étamines sont au-dessus du style. Donc le style est court. On parle de fleur brévistyle.
  • Les étamines sont courtes et au-dessous du style, long par conséquent. La disposition est longistyle.

Dans les 2 cas, la fleur ne pourra être fécondée que par le pollen d’une autre fleur, elle est auto-stérile. Donc, si on laisse faire la nature, les descendants d’une fleur auront de grandes chances d’être génétiquement différents. L’humain doit donc intervenir pour créer des lignées.

Ce qui est bizarre aussi, c’est que le même plant portera à la fois des fleurs brévistyles et des longistyles. Encore une curiosité de la nature.

La plupart des espèces de primevères sont hétérostyles.

  • Certaines espèces présentes les 2 formes hétérostyle et  homostyle : P. obconica, P. chungensis, P. cockburniana, P. prolifera, P. halleri.

Voilà, on pourra se coucher moins niaiseuxeuses! Quoique, la marche est haute pour certain.

Dernier aparté : J’utilise à bon escient le terme « nom scientifique » et non « nom latin ». C’est que la nomenclature a peu à voir avec les romains. Elle s’inspire beaucoup de la langue latine, mais aussi de la langue grecque, et surtout les scientifiques ont créé beaucoup de latinismes, cette pratique très néoclassique qui consiste à latiniser les noms des découvreurs ou des personnes « hommagées » par ces découvreurs. Qui sait, un jour, j’aurai ma Primula vigotii, une primevère extraordinairement rare découverte sur les bords du Lac aux Requins, non loin du Petit-Sabazan.

 

 

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Les Primula sieboldii

La Primula sieboldii nous vient d’extrême-orient

La primevère Sieboldii doit son nom à un certain von Siebold qui introduisit cette plante en Angleterre au 19ème siècle. Mais, en toute honnêteté, elle devrait avoir un nom japonais, car c’est en extrême-orient qu’elle a connu ses premières heures de gloire, bien avant l’interminable règne de Victoria.

Dans la nature, elles se retrouve de la Sibérie jusqu’au nord du Japon, soit une répartition de plus de 1 600 kilomètres, au nord-est de l’Asie. Imaginez la même chose en Europe : c’est impossible. On la reconnaît à ses feuilles lobées, vert tendre et poilues sur les deux faces. On la distingue de la Primula cortusoides (dont elle partage la section des Cortusoides) par son oeil toujours blanc et non jaune. Dans la nature, la fleur peut varier entre le blanc, le rose, le magenta et le violet. De part sa répartition géographique, on déduit qu’elle apprécie les sols humides éventuellement tourbeux.

Elle étend son plant par stolons, rapidement dès lors qu’elle est dans de bonnes conditions. Mais, il suffit d’une sécheresse et le plant entrera en dormance. D’ailleurs, la littérature la décrit comme une plante de printemps qui perd son feuillage de la fin-juillet jusqu’à la mi-mai de l’année suivante. Au Québec, pourtant, dans mon jardin, à la mi-ombre, dans un sol humifère et toujours humide, elle n’est en dormance que… sous la neige, ce qui représente, tout de même plusieurs mois.

Ma première P. sieboldii

Ma passion pour les Sieboldii a commencé lors d’un échange de plantes en juin 2013. Et si je ne me rappelle plus les plantes que j’avais apportées, j’ai un très bon souvenir d’une magnifique primevère que j’ai choisie : sur l’étiquette, il y avait « Primula sieblodii hybride ». Un vrai bijou, sans nom de cultivar. Elle est du type « ronde », donc différente du cultivar le plus répandu ‘Snowflake’. J’espère, un jour, en faire une meilleure photo, elle le mérite vraiment, mais /$%&&%$ » que ce blanc est peu photogénique.

Primula sieboldii blanche ronde (19/06/2016)
Primula sieboldii blanche ronde (19/06/2016)

Il y a près de 5 ans de cela et je suis resté en amour avec cette plante si généreuse. Sa floraison dure longtemps, mais en plus elle s’étale généreusement ce qui fait que j’ai pu en offrir à plusieurs amies sans que le plant soit le moins du monde outragé. Un petit coup de petite pelle sur le côté, hop en pot, on rebouche le trou et il n’y paraît plus 3 semaines plus tard. Elle fleurit généreusement et plus tardivement que les primevères polyanthus. C’est donc un plus pour allonger la période de floraison de nos primevères.

Les semis

La division est aisée, mais on ne peut pas dire la même chose des semis. Je ne le conseille qu’aux plus passionnés, car le semis pousse tellement lentement qu’il tombe en dormance dès que votre pot a un peu chaud. Certes, les plantules ne sont pas mortes, mais plus rien de vivant n’apparaît au-dessus du sol. On croit tout mort, mais, en fait, on a bel et bien une petite rosette de racines, surmontées d’un œil : il suffit de gratter un peu pour s’en rendre compte. Mais, cela signifie qu’il faudra attendre 6 mois de plus avant de voir un feuillage réapparaître.

Et comme si la frustration d’une croissance lente n’était pas suffisante, il y a une grande variabilité parmi les semis effectués. Donc, au sein d’une dizaine de plantules, il n’y en aura que 2 ou 3 qui auront une floraison distinctive. Le reste sera plaisant mais ne vous pâmera pas.

Bien sûr, il ne faut pas acheter des semences non sélectionnées, la meilleure source reste Barnhaven qui effectue une pollinisation à la main et donne dès le départ de meilleures chances d’obtenir des plantes hors du commun.

Rondes ou dentelées ?

La principale variable des Sieboldii est la couleur, bien sûr : du blanc pur aux roses pastel ou franc, mais aussi allant vers le violet, le mauve ou le presque bleu. Ces couleurs sont unies ou s’allient au blanc. Elles arborent parfois même, un revers de pétale plus soutenu que l’envers. Rien que par la couleur, ce sont déjà des bijoux.

Mais, elles se distinguent également les unes des autres par la forme de la fleur qui va du rond, les pétales étant peu découpés, à des formes très échancrées rappelant un flocon de neige stylisé.

Les japonais ont toujours été les grands spécialistes de l’espèce. Pour cette raison, il vous faudra nommer votre préférée d’un nom japonisant qu’il ne vaudra peut-être mieux ne pas traduire pour ne pas regretter d’avoir payé 30$ pour une plante qui s’appelle « Il a une petite taille »  ou « Fumée de sumo ».

Cependant les variétés les plus répandues ont des noms plus accessibles comme la blanche ‘Snowflake’ ou la rose ‘Geisha Girl’.

Primula sieboldii (Rose dentelé – Semis Nov 2016)

Les soins

Ce sont vraiment des primevères faciles, dès lors que vous leur apportez une humidité permanente mais non excessive. Elles aiment donc un sol humifère et un paillis épais permettra de garder l’humidité qu’elles revendiquent. Au pire, si le sol sèche trop, elle entrera en dormance, mais vous reviendra fidèlement au printemps suivant. Mais, ce n’est pas l’idéal si vous souhaitez une longue floraison et la voir s’étendre.

Où les trouver ?

Malheureusement, on ne les trouve pas beaucoup en jardineries. Si vous la demandez, on risque de vous regarder bizarrement, surtout si vous cherchez une « fumée de sumo de petite taille ». Rappelons-le, la libéralisation du cannabis ne veut pas dire qu’on peut en mettre en plate-bande !

Cependant, avec plusieurs amis et filles, on a fait une importation de magnifiques Sieboldii de Barnhaven l’été dernier. Donc, courez les échanges, apportez vos plantes introuvables, on va s’organiser!

En attendant, je vous partage visuellement les miennes sur ce site, ici-même.

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1/4 Primevères et madeleines !

Longtemps, j’ai cru que le jardin d’ombre (ou plutôt de mi-ombre) était un jardin peu fleuri. Il fallait s’y contenter des crocus printaniers, puis, plus tard, des hampes d’hostas (que certains aiment tellement… qu’ils les mettent au compost. Ceci dans le meilleur des cas). Les heuchères ou les astilbes aussi nous font de petites explosions roses ou blanches, bref, rien pour pâmer la jardinière. Bien sûr, j’exagère, il y a quelques beautés (Cimicifuga, Corydalis…).

Il faut savoir aussi que, fraîchement immigré de France, un « ami » agronome québécois m’avait dit que, dans notre coin perdu de Lanaudière, aucune fleur ne survivait, sauf les Pieds-d’alouette, les Pivoines aussi, ouf !!! Pourtant, un jour, parce que je suis nostalgique, et que je fonds dès qu’on me parle de madeleines et de joies enfantines, j’ai eu envie de primevères au jardin. Ma visite aux Jardins de Métis peu avant n’est pas étrangère non plus à ce début de folie.

Le genre Primula recouvre plus de 400 espèces, mais de ma jeunesse, je retiens la Primula acaulis (ou vulgaris) une fleur jaune-beurre, simple, au bout d’une tige. La seule primevère digne de ce nom pour ma mère, la primevère des talus normands, amoureuse des sols acides. Un ton tellement particulier, qui évoque la fragilité printanière.

Primula ‘Traditional Yellows’ (20/05/2016)

Il y a aussi le coucou de mon adolescence poitevine (Primula veris), au jaune plus soutenu de bouton d’or. Plus florifère mais moins romantique aussi, il préfère les talus plus alcalin. Du coucou, on appréciera les descendants aux tons flamboyants P. ‘Coronation Cowslips’ ou le fabuleux P. veris Hose in Hose ‘Lord Alfred’.

 

Primula veris Hose in Hose ‘Lord Alfred’ (25/05/2017)

Bien avant, nos ancêtres, ou du moins leurs contemporains anglais, savaient déjà que les différents types de primevères pouvaient s’hybrider sans trop de difficultés. Tellement qu’ils ont réussi à créer une nouvelle « espèce », la primevère polyantha, un mélange de plusieurs espèces européennes qui donna une fleur plus grosse et surtout déclinée en de multiples couleurs.

 

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