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1/2 Les Primula auricula et pubescens

Des plantes alpines

Ces primevères originaires des Alpes sont exceptionnelles par leurs feuilles charnues, mais aussi par leurs floraisons si originales et qui offrent dans une même espèce à peu près toutes les couleurs possibles pour une plante.

Finissons-en rapidement avec la science botanique : la Primula auricula est une plante des Alpes (françaises, autrichiennes, allemandes) à la fleur jaune citron. La Primula pubescens est un croisement obtenu par des jardiniers de cette même P. auricula avec la P. lutea (tout aussi jaune, mais d’Alpes plus orientales et méridionales). Cependant, les variétés que l’on trouve aujourd’hui, n’ont guère de rapport avec les espèces sauvages. Les auricules actuelles sont issues de lointains croisements avec la Primula hirsuta (ou hérissée). Celle-ci étant rose, on soupçonne que ce sont ses gènes qui donnent les couleurs variées qu’on connaît aujourd’hui.

Toutefois, on se rappellera des origines montagnardes quand il s’agit de leur prodiguer des soins.

Tout aussi rapidement, rappelons que leur nom commun est « Oreille d’ours » à cause de la forme arrondie et velue du feuillage. Mais, on préférera le nom d’ « auricule » qui est tout de même plus original et unique (car le Stachys byzantina se voit affubler du même nom commun).

 

Toute une histoire méconnue

On a toujours dans l’idée que l’horticulture moderne est contemporaine et que nos cultivars proviennent de nombreuses manipulations, génétiques ou autres. Ne regarde-t-on pas tous, les nouveautés de l’année! Toujours à l’affût ? Eh bien, l’histoire des auricules a commencé au XVIème et au XVIIème siècle. Quelques observateurs allumés ont su polliniser des espèces différentes et faire des sélections alors que les théories génétiques de Mendel n’existaient pas. Ils faisaient de la poésie jardinière sans même en établir les règles. Ces brillants sélectionneurs étaient nommés des fleuristes, ceci bien longtemps avant que ça devienne un commerce ayant pignon sur rue.

De Vienne, l’auricule a conquis toute l’Europe dont la cour de France et surtout l’Angleterre, berceau, s’il en est, de l’horticulture.

L’apogée des auricules a eu lieu au XIXème siècle avec plus de 1000 variétés, notamment en Belgique, où Liège a été le cœur de cet engouement. Honnêtement, à une époque où la photographie en couleur n’existait pas, on peut douter du chiffre. 1000 noms, certainement, mais aussi d’énormes ressemblances, sans doute.

De cette époque sont nés aussi les « Théâtres d’auricules » : on présente sur 5 ou 6 niveaux les auricules devant un fond peint, sur un balcon ou devant une fenêtre.

Ceci n’est pas sans rappeler la tulipomanie hollandaise qui sévit 2 siècles plus tôt. Mais, au fond, il vaut mieux préférer la spéculation florifère à la Bourse, n’est-il pas ?

Cette mode malheureusement déclina avec la crise économique de 1929 et on ne dénombre plus maintenant que 200 variétés. Mais,  ça reste suffisant pour ruiner n’importe quel jardinier ou collectionneuse…

De nos jours, ce sont surtout les Sociétés de Primevères et Auricules de Grande-Bretagne qui tiennent le haut du pavé. Pour le Québec, l’American Primrose Society, dont on trouve les amis (à l’échelle planétaire) dans le groupe « Primula Lovers », est un incontournable sur Facebook.

Pour plus de détails historiques, on lira avec intérêt l’article du site de Barnhaven.

 

De la facilité à l’exception

Question : votre visiteur insouciant (ou indifférent) devant votre jardin ne fait aucune distinction entre vos oreilles d’ours « Exhibition Blue »  et « Blue Yodeler » ? Que lui conseiller ?

Je lui dirai d’aller au village, d’acheter une bonne bouteille de vin (ou un six pack de micro-brasserie) et on la dégustera en parlant de chars (ou de musique, préférablement)!

Car, on parle, d’une part, d’une plante facile Primula pubescens ‘Exhibition Blue’ que j’ai pu trouver dans une petite (mais originale) jardinerie de Mont-Joli (Centre de Jardinage de Mont-Joli), et, d’autre part, d’un plant d’auricule alpine livré de France après s’être enregistré comme importateur officiel de primevères.

Le saviez-vous ?  Nonobstant le fameux certificat d’importateur, limité à certaines espèces, certains exportateurs, certaines destinations, il faut que l’expéditeur paye pour un Certificat phyto-sanitaire et nettoie les plants de toute trace de terre. L’agrile du Frêne, la coccinelle asiatique, le doryphore, ils ont voyagé comment selon vous ? Entéka, pour moi ce sont surtout des barrières douanières et tarifaires…

Donc, comme je l’ai fait, je conseille de commencer par les primevères pubescentes qui sont des primevères vigoureuses. Bien sûr, elles sont alpines et ne toléreront pas l’eau stagnante. Mais, elles se plairont vraiment en bordure de plate-bande mi-ombre, là où les pluies sont drainées naturellement vers la pelouse.

Si vous ne trouvez pas de primevères pubescentes en jardinerie, exigez-les! Sinon, partez-les en semis, elles sont faciles et Jelitto en offre une belle variété.

En graduant vers la difficulté, il y a la Primula auricula « Border » ou de bordure ou les « Alpines » et les doubles. Plus on va dans la difficulté, plus la primevère a de petites feuilles, et moins elle croît rapidement. Elle se pare aussi de poudre, comme les cocottes de bord.l. Cela la rend plus fragile et sensible à la pourriture. Mais, à mon avis, la Border adulte n’est pas plus fragile qu’une pubescente. Elle sera juste plus petite et sa floraison nécessitera juste un peu plus de s’effouérer devant elle pour l’admirer. Mais leur beauté le mérite vraiment.

Au Québec, on ne trouve pas les P. auricula « Border » en magasin, même en les exigeant, c’est dommage. Même chose pour les alpines ou les doubles . Mais vous pouvez les semer. Il faut être patient, attendre une période au frigo de 2 mois, et, ensuite, une croissance sous néons qui est bien lente (je le rappelle, ne sautez pas les étapes, commencez par le semis de pubescentes pour acquérir de l’expérience). On les manipule au début presqu’à la pince à cils, mais avec des soins attentifs, c’est un semis que je qualifierais d’assez facile.

18 mois après le semis vous aurez de magnifiques auricules de bordure, alpines ou doubles (1 chance sur 4 pour ces dernières)  que vous pourrez montrer à un nouveau voisin déjà plus connaisseur. Pis, si c’est une fille, elle aimera encore plus, croyez-moi.

Comme elles sont obtenues par semis, il sera nécessaire que vous effectuiez une sélection. Les plants aux couleurs blafardes ou mal assorties devront être éliminés. Le jardinage est parfois un crève-cœur.

Pour les alpines, il faudra respecter les critères. Celles-ci se déclinent suivant la couleur du centre de la fleur (centre clair ou centre doré). Elles ne doivent pas avoir de farina (poudre) sur la fleur ni les feuilles, mais la tige peut être farinée. Les pétales doivent avoir un dégradé plus foncé en allant vers le centre. Les alpines à centre clair, blanc ou crème, se déclinent dans les couleurs bleu, violet, mauve ou rose. Les alpines à centre doré (ou jaune) arborent des couleurs foncées qui s’éclaircissent vers la périphérie des pétales : la gamme est rouge foncé, marron ou crème brûlée.

Donc, vous avez déjà essayé :

  • les Primula pubescens, elles sont exubérantes et généreuses, un cœur crème entouré de jaunes, de violets ou mauves, généralement dans les tons pastels…
  • les Primula auricula « Border » et « Alpine », leur taille plus modeste et leurs fleurs tellement plus délicates. Et tous ces tons issus d’un même semis.

Vous les avez tellement réussies que vous avez fait des divisions (après avoir sélectionné les plus beaux spécimens) pour partager avec votre voisine,  ou votre voisin, au sourire si charmant. Eh oui, ce sont des plantes qui se méritent.

Vous voilà donc prêt pour les auriculas de collection que nos amis anglophones, appellent « Show auriculas ».

Commence alors un autre chapitre de notre conte… (comme dirait Kim Yaroshevskaya, alias Fanfreluche)

 

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