Le semis des Helleborus (x hybridus ou x niger) est, en climat québécois, quelque chose de simple, mais qui demande beaucoup de patience.
Le semis d’Hellébore : un passage intérieur parfois obligé
Les hellébores, appelées aussi roses de Noël en France et en Belgique, sont des vivaces extrêmement rustiques qui survivent facilement à des hivers rigoureux (-30° ou -35° avec un bon couvert neigeux). Au sortir de l’hiver, dépendamment des aléas, elles auront conservé une partie de leur feuillage et ne tarderont pas à fleurir. On pourra également voir de jeunes semis spontanés issus d’une pollinisation libre.
Mais, si on ne possède pas de plants mâtures, on peut obtenir facilement plusieurs jeunes plants à partir de graines. Malheureusement les graines de bons semenciers sont rares, et chères dès qu’il s’agit de parents sélectionnés. Le semis extérieur devient un « pensez-y bien » puisque le taux de réussite risque d’être faible et demander une année de plus.
Dans tous les cas, il faut s’armer de patience, car la première fleur n’apparaîtra pas avant 2 ans et plus souvent 3. Mais comme le bouturage et la division sont difficiles, le semis reste le moyen le plus économique pour obtenir une bonne quantité de plants qui donneront un impact magique dans votre jardin de mi-ombre. Que ce soit au printemps avec la très longue floraison ou plus tard, avec un feuillage majestueux, dont le vert perdure jusqu’à ce que la neige le recouvre, l’hellébore est une merveille du jardin ombragé.
Ce petit guide vous montrera la simplicité du semis et le peu de travail requis jusqu’à l’obtention de la première floraison. Patience est le maître mot, mais facilité est sa compagne.
Installation et matériel
Les hellébores prospèrent sous les climats frais. Donc, le 1er automne venu, pas besoin d’une serre intérieure chauffée et encore moins d’un tapis chauffant. Un bord de fenêtre au nord-est ou une pièce peu chauffée est suffisante. Il faut viser une température ambiante de 18° à 20° de jour, plus frais la nuit.
Pour une meilleure croissance, les tubes fluorescents T5 HO font une nette différence. Les tubes horticoles (ou pour aquarium d’eau douce) sont idéaux. On peut également utiliser des tubes T5 ordinaires ou des T8 qui font un travail correct.
Si la pièce est fraîche (15°), les tubes T5 apporteront, de jour, un réchauffement favorisant la croissance et, de nuit, les plants se renforceront. On obtient alors les conditions optimales. Pour un éclairage très efficace, les néons seront espacés de 15 cm et un programmateur permettra d’apporter 14 heures d’éclairage quotidien.
Semence, terreau, contenants
La levée des semis est une phase très longue (6 à 8 mois) car la graine nécessite une première maturation pendant l’été et une seconde levée de dormance grâce au froid automnal (équivalent de l’hiver européen). Avec l’automne nordique, il devient facile d’imiter cet hiver et ainsi anticiper sur sa fin, tranquillement à l’intérieur sous néon.
Étant donné le temps investi, il est important de se procurer des graines de qualité (par exemple Barnhaven) en s’assurant qu’il s’agit de graines fraîches, donc vendues à partir de la mi-juin, au plus tard en juillet-août, pour les semer dès leur livraison et profiter de la maturation naturelle en extérieur.
Pour le terreau, étant donné que les graines sont relativement grosses et que les plants resteront assez longtemps en place, un terreau à rempotage, style Promix BX ou Berger BM8 est parfait, On aura besoin aussi de vermiculite et éventuellement d’un peu de sable de rivière (1-2 mm).
Comme les plants ne seront pas repiqués avant presqu’un an (après semis), on utilise des pots ronds ou carrés de 8 cm (3 pouces) de large où pourront cohabiter plusieurs jeunes semis.
Le semis
Les pots sont remplis de terreau bien humidifié. On sème 4 graines par pot et recouvre de terreau (5 mm, ¼ de pouce). Une très fine couche de sable de rivière puis de vermiculite maintiendront le semis et empêcheront la croissance de mousses. Un dôme surélevé de plastique transparent permet enfin de conserver une bonne humidité.
Les stratifications
La nature organise généralement bien les choses et fait que les graines germent rarement aussitôt tombées au sol.
Elles ont une longue période où la germination est inhibée. Ceci évite que les plantules soient exposées à la sécheresse estivale ou à un hiver qui pourrait leur être fatal. La graine est alors en dormance. Il est parfois indispensable de simuler cette période de repos qu’est l’hiver, mais aussi l’été.
Pour les hellébores, c’est plus compliqué, car lorsqu’elles tombent au sol, les graines ne sont pas totalement mûres. Elles ont besoin de chaleur et d’humidité pour effectuer une première transformation interne.
Et la nature, prudente (lire des substances chimiques), empêche la graine de lever avant le printemps. Sinon, le semis ne survivrait pas au froid.
Donc, lorsque l’automne et l’hiver arrivent, de nouvelles modifications biochimiques permettront finalement à la graine de germer de façon sécuritaire… seulement au printemps suivant.
L’été
Pour la maturation estivale, il suffit de mettre les semis sous une ombre légère. On vérifie de temps en temps que les pots restent humides (on se fie au poids du pot). Dans le doute, on arrose, en s’assurant que l’eau ne s’accumule pas dans le bac de plantation. Après égouttement, on remet le dôme transparent. Si le temps est pluvieux, on peut laisser sans dôme, l’eau effectuera un lessivage naturel.
L’automne
On laisse les semis dehors jusqu’aux premières gelées un peu sévères (début à mi-novembre). Il ne faut pas que les pots gels de bord en bord, mais, il faut aussi que la température « hivernale » de notre lieu d’entreposage corresponde. Si c’est le frigo (+2°), c’est facile, si c’est un garage, il faut lui donner le temps de fraîchir.
L’hiver
Début à mi-novembre, on met donc les semis au frigo (ou dans le garage maintenu hors-gel) pour un mois.
Le printemps : levée des plantules
Même sous climat nordique, le printemps arrive début à mi-décembre… en remettant les semis sous néons (14 heures/24) à une température de 18 à 20°, toujours sous le dôme de plastique.
La levée pourra alors être très rapide (quelques jours) ou lente, jusqu’à 2 mois. La patience est toujours de mise.
En voyant leur tégument noir, brillant et lisse, il est évident que la protection du germe et des cotylédons est très coriace, la petite hellébore naissante semble souffrir à sortir de sa carapace. Il est donc important de garder une forte humidité : non seulement on laisse le dôme, on arrose les pots au besoin, mais on peut aussi vaporiser souvent. On peut aussi aider le germe avec une pince à épiler pour enlever le tégument, mais attention, prudence!
À la levée, les hellébores présentent 2 cotylédons verts (qu’on ne peut pas confondre avec de vraies feuilles).
Les semis d’hellébores sont très résistants à la fonte des semis et apprécient l’humidité sans modération. Donc, on peut laisser les dômes jusqu’à une levée complète (généralement plus de 80% des graines sont fertiles) et l’apparition de 1, 2 ou 3 feuilles. On surveillera l’arrosage, car 4 semis levés avec 2 ou 3 feuilles seront assez assoiffés, mais moins qu’un stade 2 cotylédons : on arrose par capillarité en déposant les semis dans un bac contenant 2 ou 3 cm d’eau.
Dès le repiquage et même quelques semaines avant le dôme de plastique devient inutile. En fait dès que les semis ont 2 ou 3 vraies feuilles.
Repiquage
Patience, les semis croissent lentement, les racines sont assez grosses et 4 plants cohabitent facilement 3-4 mois. Ceci sans risque d’abîmer les racines au repiquage.
L’idéal est de pouvoir attendre de faire le repiquage au moment d’acclimater à l’extérieur ou un peu avant.
On repique chaque semis dans un pot de même taille, même terreau qu’on pourra alors additionner d’un cinquième de compost et autant de terre agricole.
Engraissement – Arrosage
On peut commencer à engraisser les semis dès la levée, du moment qu’on dilue la dose préconisée au tiers du taux recommandé pour des plantes d’intérieur. Les engrais liquides à base d’algues ou de poisson sont excellents. On peut aussi utiliser de l’engrais soluble 20-20-20.
On arrose par capillarité, même après le repiquage, pour éviter de déchausser les racines. Il est important que le substrat soit toujours humide. Les jeunes hellébores aiment l’humidité, mais sans excès.
On peut commencer à arroser par le dessus dès que la rosette de feuilles est bien formées (4 à 6 feuilles).
Acclimatation extérieure
Dès que les grands gels commencent à s’éloigner, on aura hâte que nos hellébores vivent leur vie… d’hellébores (Eh oui, les primevères aussi). On profite donc des premiers redoux pour acclimater doucement les plants. Attention, pas de soleil direct pendant une semaine ou deux. Si du gel est annoncé, il faudra rentrer tous les plateaux pendant 2 semaines. Passé ce délai, vos plants seront endurcis et supporteront sans problème une gelée matinale.
Le premier hiver en climat (très) nordique (min -30 / -35°)
Il est conseillé de garder les semis en pots la première année et de leur faire passer un premier hiver dans un garage maintenu hors gel avec un éclairage 12h/24. Au printemps suivant, il sera alors possible de repiquer des plants vigoureux et nombreux au jardin. Mais sous un ciel plus clément, il est envisageable de mettre les semis bien développés dès la 1ère année en pleine terre.