De quoi parle-t-on au juste ?
Quand j’étais jeune étudiant, mon premier contact avec le genre Helleborus (ou Hellébore) l’a été lors d’une herborisation dans un champ pas trop loin de Poitiers.
À l’époque, il n’était pas question de couper l’herbe sous les pieds d’un quelconque maghrébin soi-disant envahisseur comme le fit Charles Martel en 732. En ce Moyen Âge la religion musulmane n’existait pas, mais les arabes oui, et ils occupaient le sud de l’Europe. L’histoire française a toujours été celles d’envahisseurs et de reconquêtes. Mélangeant les cultures et les sangs souvent pour le meilleur.
Mais, je m’égare! On herborisait donc, notre Flore française de Gaston Bonnier d’une main, une fleur dans l’autre. Et devinez de quelle plante ? Eh oui, une fleur d’hellébore. Mais il ne s’agissait pas d’une de ces merveilleuses roses de Noël, mais bien de l’Hellébore fétide (Helleborus foetidus). Une fleur verdâtre qui, comme son nom l’indique, aussi bien en latin qu’en français sent mauvais, pour ne pas dire pue! La plante est toxique, oui ? Mais qui aurait envie de te manger quand tu sens aussi mauvais ?
Bref, pas un danger réel, mais quand ton approche est aussi désagréable, disons que très longtemps pour toi, l’hellébore, c’est : « Fuyons! ».
Au mieux, la Rose de Noël c’était la fleur d’hiver dont on se contente quand il n’y a plus une fleur pour garnir un autel ou faire une couronne mortuaire. À l’époque, les roses en plein hiver étaient bien plus chères voire inexistantes. Et même les Roses de Carême plus tardives n’avaient que peu de compagnes sur les autels, peut-être un peu de jasmin tout aussi oriental. Nous revoilà pris avec les arabes. Toutte est dans toutte, et les fleurs, tu les aimeras quelque soit son origine, comme l’humain.
Donc, quand 20 ans plus tard, des amies jardinautes te vantent la beauté printanière d’une Helleborus niger ‘Onyx Odyssey’, tu penses qu’il n’y a rien là, sauf l’odeur. Jusqu’au moment où la jardinaute virtuelle devient une jardinière de chair et d’os un pot dans la main. Tu doutes encore, mais le virus se répand lentement dans tes veines. L’année suivante, tu es cuit. Tu achètes des semences et commence une longue torture. On y reviendra.
Les hellébores du jardinier : Helleborus x niger ou H. x orientalis
Il est donc question ici de croisements d’Helleborus niger et autres, toutes rustiques jusqu’à -30°. Et sans doute -35° avec un bon couvert de neige. Une plante magnifique qui fleurit souvent avant que le feuillage ne réapparaisse. En effet, sous notre climat quasi-arctique, la moitié du feuillage ne survit pas à la dureté hivernale. Cependant la floraison si longue et la vigueur de la croissance des feuilles pardonnent cet inconvénient. Elle fera toujours un magnifique contraste avec ses feuilles palmées à côté des feuilles pleines des Hostas. Et même lorsque la floraison est achevée depuis longtemps, j’apprécie le port des fruits. Elle se ressème d’elle-même, sans jamais devenir envahissante. Il suffit de gratter un peu pour que les semis disparaissent.
L’hellébore niger doit son nom à ses racines noires (je n’ai pas vérifié). Elle est assez petite (30 cm de haut) et plus fragile disent les français. Elle a aussi une floraison plus précoce, blanche à rosé. Mais, pour la précocité, on ne peut en juger au Québec, puisque de janvier à début avril, on est certain d’avoir une couverture neigeuse et une croissance nulle de tout végétal.
L’hellébore orientale, qui nous vient sans doute d’orient est plus tardive, plus grande (40 cm de haut) et plus robuste.
Mais, comme ces espèces sont cultivées et croisées depuis très longtemps, on devrait sans doute parler de Helleborus x hybridus ? Mais tout cela n’est qu’un problème d’étiquette.
Comment obtenir des hellébores ?
Il est difficile de répondre à cette question. Dans notre Québec du nord de Lanaudière, je dirai :
- Jardins Osiris
- La Jardinière du Nord
- O Jardin d’O
Ailleurs, au Québec, on en trouvera dans les bonnes pépinières. Il est important de magasiner très tôt au printemps. Généralement, à la réouverture des pépinières vous pourrez les voir en fleurs et juger sur pièce. Et bien sûr vous aurez un meilleur choix.
Mais il est impossible de trouver la diversité européenne ou même le choix de Colombie Britannique (Visitez le site de Phoenix Perennials à la mi-février, ils ont une énorme prévente qui vous sera livrée en mai).
Il faut reconnaître que malgré tous les soins qu’on leur donne, les plants croissent lentement et même si la division est théoriquement possible, je ne l’ai encore jamais pratiquée. Il faudra donc mériter votre hellébore. Le prix élevé est entièrement justifié, même si il y a une certaine variabilité dans les plants offerts.
La deuxième source d’obtention est celle par semis. Mais il s’agit d’être patient, car, du semis à la fleur, il faudra attendre 2 ans et demi, minimum. Cependant, même si vous n’en avez pas vous-même fait la pollinisation, vous aurez le sentiment d’en être le producteur, lorsqu’apparaîtra la première fleur. À 1 euro la graine à pollinisation manuelle, c’est un excellent investissement. Barnhaven est la place!
Enfin, les techniques s’améliorent et on peut espérer voir apparaître bientôt des plants obtenus par culture cellulaire. Ça rompt un peu le charme, mais si ça permet de populariser la plante, pourquoi pas ?
Essai de classification des hellébores hybrides
À ma connaissance, il n’existe pas de Société horticole dédiée au seul genre Helleborus, comme il en existe pour les Cyclamen, Hemerocallis, Hosta ou Primula. C’est dommage. Alors, il n’est pas facile de faire le tri parmi tous les cultivars proposés. Mais, aidé par Barnhaven, on peut essayer cette proposition à partir des caractères :
- La couleur dominante
L’espèce niger apporte le blanc ou le rose clair, orientalis, les couleurs plus foncées, jusqu’au noir si recherché (bien que jamais atteint).
- Blanc (ou crème)
- Vert
- Jaune (ou abricot)
- Rose, rouge foncé (ou noir)
- Couleur unie ou bicolore
La fleur est souvent unie, mais jaune et rouge ou vert et rouge se marient parfaitement.
- Le nombre de pétales, simple ou double
Je dis pétale, mais il vaudrait mieux dire sépale. Car la fleur est immense grâce à des sépales. Cela lui permet d’être bien visible et, surtout, de durer plus longtemps. D’ailleurs, vous le remarquerez, en vieillissant ils deviennent verts, ce qui démontre bien leur qualité de sépales protecteurs.
Alors, tout est question de goût, beaucoup de jardiniers capotent, à juste titre sur les fleurs doubles. D’autres moins.
- Le centre indifférencié, rouge ou coeur d’anémone
Les fleurs parfaitement unies, blanches, en vert, en rose ou très foncées sont magnifiques. Les blanches ou jaunes ont parfois un centre rouge, assez vif, sublime. Mais certaines ont ce qu’on appelle un cœur d’anémone, comme un superbe froufrou central. Ce sont des petits pétales bien développés qui donnent ce charme fou.
- Couleur unie, picotée ou guttatus (taché)
Comme déjà vue, la couleur peut-être pure. Mais, on peut aussi voir un magnifique picoté (fines éclaboussures) ou guttatus (taches plus visibles)
- Le port de la fleur
Si l’évolution a voulu que les fleurs d’hellébores soient tournées vers le sol, c’est pour qu’elles durent plus longtemps (plusieurs semaines), à l’abri des intempéries. Les photographes et les sélectionneurs essayent de plus en plus d’obtenir des fleurs dressées. Cela peut aussi être un critère de choix.
Voilà, il ne vous reste plus qu’à déterminer par laquelle vous allez commencer votre collection. Croyez-moi, elles sont aussi addictives que les Primula!
Pour aller un peu plus loin
- à propos de Helleborus foetidus, un site poitevin à découvrir : Sauvages du Poitou
- les semences de Barnhaven, à commander/réserver vers la fin juin : Site de Barnhaven
- une commande postale vous tente : Catalogue en ligne de Phoenix Perennials
- le semis intérieur des Hellébores : excellent article par votre hôte sur ce même site